Comment ça pousse ?  À quelle saison ? Comment ça se fabrique ? C’est bon pour la santé ? Pourquoi ça coûte ce prix-là ?
Mieux connaître les aliments que nous consommons.

Comment ça pousse ?

 

Tout sur l’huile d’olive (ou presque)

Tout sur l’huile d’olive (ou presque)


Espagnols et grecs en consomment jusqu’à cinq fois plus que les français. Forte de sa réputation d’aliment ayant un effet positif sur la santé, la demande d’huile d’olive est en croissance continue, sa consommation mondiale a quasiment doublé depuis 1990.

Mais la production d’huile d’olive ne suit pas la demande et le dérèglement climatique l’affecte durement, ainsi pendant deux saisons en Espagne (2022 et 2023),  les productions ont été deux fois moins importantes que par le passé. En conséquence les prix ont flambé 😕


Exemples de prix de vente en France recueillis sur Internet en janvier 2024 , puis en janvier 2025
(Relevés ponctuels et non exhaustifs sur le web)

Mélange d’huile d’olive vierge et d’huile d’olive raffinée.
9,29 €/L
Huile espagnole vierge extra (en 1,5L )
10,79 €/L
Huile vierge extra bio mélange d’huiles d’origine européenne et extra européenne.
de 10,79 à 11,99 €/L
Huile vierge extra italienne
39,90 €/L
Huile vierge extra bio, mélange d’huiles d’Espagne, d’Italie et de Tunisie.
de 17,74 à 23,89 €/L

Une huile bio moins chère qu’une non bio, une autre valant le double de la première et une  “première huile” hors de prix… Comment 🤔s’y retrouver ? 

Premier point : le  marketing de l’huile d’olive dans des pays comme la France peut parfois s’approcher de celui du vin (appellations diverses, conseils de dégustation, etc.) – il y aura ainsi des huiles “Châteauneuf du pape” et d’autres simples “Côtes du Rhône”, avec des différences de prix en rapport. Ayez🤨l’œil, ici la haute qualité n’est pas toujours proportionnelle aux beaux discours et aux prix forts.

Second point : les récentes et importantes baisses de production en Espagne ont déclenché en 2023 une hausse générale des prix, parfois sans rapport avec les coûts réels de production.  Si en 2021 on pouvait parfois trouver dans les hypermarchés italiens ou espagnols de l’huile vierge extra à 3€/L (prix par ailleurs beaucoup trop bas pour être honnête 🤥 – voir ci-dessous les fraudes), ce n’est plus le cas aujourd’hui. En janvier 2024, les prix les plus bas en hypermarché pour la vierge extra étaient comparables à ceux pratiqués en France : environ 9€/L en Italie et 10€/L en Espagne – une importante augmentation et un fort soupçon de spéculation pour ce qui reste un aliment de base dans ces deux pays. Et pour ces prix, vous risquez de n’avoir qu’un produit industriel de qualité très moyenne , le plus souvent mélange d’huiles vierges extra d’origines différentes issues d’oliviers cultivés en mode intensif.

Rafael qui produit l’huile Olivo Vivo en Andalousie, nous écrit ceci en janvier 2024 :  »aujourd’hui même, un camion de 20 000 litres d’huile se vend 9,50 euros le litre. C’est une véritable folie qui n’est jamais arrivée auparavant. (…) L’année dernière à ces dates, l’huile en vrac se vendait à moins de 5 euros, ce qui était déjà un prix beaucoup plus élevé que la normale. Le prix moyen des dix dernières années n’atteignait pas les trois euros par litre. »  (extrait de la longue réponse qu’a apportée Rafa à notre questions sur ce sujet )

Alors, quel prix “juste” pour une bonne huile bio de producteur ? Le coût de production d’une extra vierge est un peu plus élevé en agriculture bio. Il est aussi plus élevé quand l’huile a une appellation d’origine, laquelle impose un cahier des charges plus strict. Il est aussi plus élevé en Italie qu’en Espagne (voir notre bulletin d’information #26). Les prix justes se font donc au cas par cas. Disons pour l’année 2024 et pour une huile vierge extra bio de producteur arrivée dans le Nord de la France, entre 12 et 18€/L pour une espagnole  et entre 18 et 25€/L pour une italienne ?  Retour en haut de page


Oliveraie Mandre Rosse, membre des Galline Felici, Sicile
Distribution des oliviers dans le bassin méditerranéen
(Oteros, 2014)

L’huile d’olive provient essentiellement du bassin méditerranéen. Les trois principaux pays producteurs, l’Espagne, l’Italie et la Grèce, sont européens et représentaient à eux-seuls 60% de la production mondiale jusqu’en 2021. La production française est très modeste : 5 785 tonnes en 2021. Sources : Conseil Oleicole International

Principaux pays producteursProduction moyenne
annuelle d’huile d’olive
vierge entre 2018 et
2021
(en milliers de tonnes)
Production 2022Production 2023Production 2024 (prévisions)
Monde3 248 2 730 2 500 3 400
Espagne1 449 666 854 1 290
Italie286 241328 224
Grèce 242 345175 250
Tunisie240 217220 340
Turquie213 451215450
Maroc176107 106 90
Portugal137 126161195
L’année désigne en fait une « campagne » qui s’étend de l’automne au début de l’année qui suit. Ainsi et par exemple « 2023 » désigne la campagne 2023/2024. Source : Conseil Oléicole International
Oliveraie Olivo Vivo, membre de Tierra y Libertad, Andalousie.

En 2023 en Espagne, des épisodes caniculaires précoces en mai ont affecté durement la production. Celle-ci est pour la seconde année successive réduite de près de 50% par rapport aux moyennes annuelles précédentes. C’est la première fois dans l’histoire que deux récoltes aussi faibles se succèdent.

Si la production française d’huile d’olive est très modeste, l’Italie en est le deuxième plus gros producteur et consommateur mondial. Sa propre production ne couvre pas sa consommation intérieure. De plus elle exporte en quantité, car l’huile d’olive « Made in Italy » bénéficie d’une renommée mondiale et se vend donc plus cher que toutes les autres. Cet état de fait est propice aux fraudes de toutes natures – voir plus bas.

Hors UE, la Tunisie est le quatrième producteur mondial, production qu’elle exporte à 80%. Les productions d’huile d’olive du tableau ci-dessus sont  des productions d’huiles vierges ou extra-vierges. Existent aussi l’huile d’olive lampante, huile de presse de qualité médiocre. Et l’huile de grignon d’olive (sansa di olive en italien). Les grignons sont les résidus solides résultant de l’extraction de l’huile, avec laquelle on peut par ailleurs faire du savon. Retour en haut de page


Conduite du pressage avec contrôle de la température (Sicile)
Résultats d’analyse de l’huile d’olive Mandre Rosse 2015

 Pour être qualifiée de vierge extra l’huile d’olive doit être obtenue uniquement par pression mécanique des olives, tout raffinage ultérieur est interdit. Son taux d’acide oléique ne doit pas excéder 0,8g pour 100g et elle ne doit présenter aucun défaut sensoriel (plus de 16 critères).
Un cran qualitatif en dessous, l’huile d’olive (simplement) vierge doit également être obtenue uniquement par pression mécanique, mais son taux d’acide oléique peut être plus élevé (max. 2g pour 100g) et elle ne doit présenter que quelques défauts sensoriels, à peine perceptibles.

Outre le mode de pressage (« première pression à froid » = moins de 27°C) c’est avant tout le travail mené en amont qui permettra in fine l’appellation vierge extra : qualité des olives et donc de la conduite agronomique de l’oliveraie, récolte de celles-ci au juste moment et la plus douce possible, temps réduit entre récolte et pressage (moins de 24h).
Il est difficile de trouver des données fiables sur la part d’huile vierge extra dans la production mondiale d’huile d’olive. Il semble toutefois que l’Italie en soit le plus grand pourvoyeur, la part d’huile extra-vierge bio y étant d’environ 17% en 2020 (source : SINAB), c’est donc très peu.
Points importants : l’huile d’olive vierge extra n’aime pas la lumière, seuls des contenants opaques lui conviennent. Elle s’oxyde par ailleurs rapidement et s’utilise de préférence dans l’année qui suit sa production.

Hors UE, la Tunisie est le quatrième producteur mondial, production qu’elle exporte à 80%. Les productions d’huile d’olive du tableau en haut de page sont  des productions d’huiles vierges ou extra-vierges. Existent aussi l’huile d’olive lampante, huile de presse de qualité médiocre. Et l’huile de grignon d’olive (sansa di olive en italien). Les grignons sont les résidus solides résultant de l’extraction de l’huile, avec laquelle on peut par ailleurs faire du savon. Retour en haut de page

Récolte des olives, Mandre Rosse, Sicile

L’huile d’olive, or vert rare et recherché depuis l’antiquité, a été l’objet de fraudes et contrefaçons dès sa circulation dans le bassin méditerranéen.  Ces fraudes existent toujours aujourd’hui bien que l’huile d’olive soit un produit particulièrement surveillé par les divers services de répression des fraudes européens :   « L’huile d’olive fait l’objet de nombreux manquements en matière d’étiquetage et de mentions valorisantes infondées : défauts d’étiquetage concernant l’origine ou l’entité productrice, surclassement d’huiles d’olive vierges en huiles d’olive vierges extra, etc.« DGCCRF, Ministère de l’Économie, 2023.

L’État italien, qui voit produire et consommer sur son territoire des flux d’huile d’olive bien plus importants qu’en France, est très actif sur le front de la surveillance et de la répression : les douanes italiennes possèdent leurs propres laboratoires d’analyse, elles procèdent même aujourd’hui à des analyses d’ADN,  seules capables de discerner la véritable origine géographique d’une huile.  Si ces analyses ne peuvent pas être menées sur l’ensemble de la production, les contrôles et mises sous séquestre sont toutefois fréquents, voir les exemples ci-dessous (pour plus d’informations sur l’ampleur des fraudes vous pouvez consulter en anglais cet article de référence, paru en 2007 :  Slippery Business de Tom Mueller) → Retour en haut de page

[P.E. mise à jour janvier 2024]

Décembre 2023 (1)  Une enquête menée par le parquet de Rome révèle qu’une cinquantaine de restaurants du centre de Rome utilisent une huile d’olive extra vierge contrefaite. Il s’agit en réalité d’huile végétale à laquelle on a ajouté béta-carotène et chlorophylle pour en changer couleur et saveur.

Décembre 2023 (2)  Europol, avec la collaboration de la Guardia Civil espagnole et des Carabinieri italiens, conclut une enquête qui mène à l’arrestation de 11 personnes et au séquestre de 260 000 litres d’huile d’olive entre Andalousie, Tocane et Sicile.
Les suspects sont accusés d’avoir utilisé de l’huile d’olive lampante pour diluer l’huile d’olive vierge – l’huile lampante est caractérisée par un taux élevé d’acidité, ainsi qu’un goût et une odeur désagréable qui peuvent toutefois être masqués par des procédés de raffinage. (source : Europol)

Photo Europol, 2023

Février 2016. Le Parquet de Trani (Pouilles) bloque la commercialisation de 2000 tonnes d’huile extra-vierge étiquetée « origine 100% italienne ». Cette huile est en fait d’origine espagnole et grecque. Un jeu sophistiqué de fausses factures et fausses documentations à travers plusieurs pays est mis à jour (pour un total de plus de 13 millions d’euros – source : SIAC ).

Novembre 2015. Suite à des révélations du magazine italien Il Test-Salvagente, une enquête officielle est diligentée par le Parquet de Turin et vingt bouteilles d’huile d’olive extra-vierge des grandes marques les plus vendues en Italie, sont analysées par les laboratoires des douanes. Neuf de ces huiles se révèlent n’être que de simples huiles d’olive vierge. Des premières amendes ont été annoncées en juin 2016 : 550 000 € pour l’huile Primadonna de la marque Lidl et 330 000 € pour la société espagnole Deoleo, propriétaire des marques Bertolli, Sasso et Carapelli . Ces amendes sont jugées bien faibles par certains observateurs, mais il s’agit tout de même d’une première pour des marques très connues en Italie. (source : Corriere della Sera).
Carapelli, marque également bien connue en France, appartient en fait à Deoleo, le plus grand négociant d’huile d’olive espagnol. Le fonds d’investissement britannique CSV a pris le contrôle de Deoleo en 2014, on voit que la finance internationale s’intéresse aussi à l’or vert !

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Petit voyage à la découverte du marché mondial de l’amande, dont la consommation et la production mondiale ont doublé au cours de ces dix dernières années.  Derrière le rideau de scène publicitaire d’un éclatant vert, quelques surprises nous attendent en coulisses…


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Recouvrement du monde par l’économie de marché et valorisation des modes de consommation occidentaux ont fait croître de manière démesurée la production mondiale de jus d’orange. L’envers du tableau publicitaire – Quoi de plus agréable pour bien commencer la journée ? – n’est pas très agréable à découvrir. Pouvons-nous continuer à l’ignorer ?