Février 2013. Récit d’une première visite aux Galline Felici, extrait : « Roberto, pour toi, quel serait le prix juste d’un kilo d’agrumes? Je veux dire le prix brut versé au producteur. Il me rétorque : je ne sais pas, tu penses qu’un agriculteur devrait gagner combien, Autant qu’un enseignant, par exemple? Ou la moitié? Me voici bien embarrassé. Bien mérité !«
Un givré chez les poules heureuses
« Sur une distance de 70 kilomètres les plantations de citronniers dessinaient la côte entre Messine et Catane. Elles ont créé l’image de la Sicile dans l’imaginaire collectif mais d’ici peu il ne pourrait en rester aucune trace. Car, pour les paysans qui produisent dans cette partie de la Sicile , il n’est plus rentable de cultiver le citron, les coûts de production en venant à dépasser les revenus tirés de leur vente : 7 centimes au kilo contre 13 centimes que coûte leur cueillette. Et ainsi des milliers de tonnes restent à pourrir sur les branches. La raison? D’un côté la concurrence des citrons étrangers vendus à des prix plus bas grâce aux coûts de production inférieurs (4 euros la journée de travail en Turquie contre 70 en Italie) de l’autre les mécanismes de la filière qui pénalisent les petits à l’avantage des grandes industries. (…) Les entreprises de transformation maintiennent le prix à la baisse sur la base de celui proposé par les producteurs étrangers mais utilisent le label Italie même quand la quantité de citrons italiens est minime dans les jus. (…) L’année dernière environ 500 exploitations agricoles ont ainsi été contraintes de fermer leurs portes. » (Extrait d’un article de Géraldine Pedrotti paru le 27 mai 2012 dans la Repubblica)
Fin février 2013, retour de Sicile. Quelques courses à Lille. Chez un magasin de fruits et légumes « haut de gamme », le seul agrume italien en vente est un citron italien « non traité après récolte » vendu 4,50€/kg. Et au magasin bio d’à côté, il n’y a que des citrons espagnols à 2,80€/kg … Roberto, pour toi quel serait le prix juste d’un kilo d’agrumes? Je veux dire le prix brut versé au producteur. Il me rétorque : « Je ne sais pas, tu penses qu’un agriculteur devrait gagner combien? Autant qu’un enseignant, par exemple? Ou la moitié? » Me voici bien embarrassé. Bien mérité. Mais Roberto poursuit. « Disons qu’un prix d’achat de plus de 0,80€ nous permettrait de vivre bien. Le problème est que personne n’est prêt à payer autant. Les gens ne sont pas habitués à payer un prix juste pour les aliments. En Italie, quand tu achètes trois côtelettes pour 1,50€ à l’hypermarché tu ne mets pas 1,50€ pour un kilo d’oranges. Alors 0,60€, vabbene ». Un peu plus tard Vincenzo qui produit des agrumes à Lentini (sud-ouest de Catane) me fera une réponse similaire. Il me dira aussi la difficulté à exporter les oranges à pulpe rouge ou violette, que pourtant les espagnols ne produisent pas. Seul un micro-marché situé en Suisse, Autriche et au sud de l’Allemagne en
importe. Dans ses agrumeti (terme italien désignant une plantation d’agrumes) Vincenzo laisse pousser
l’herbe en hiver, mais la coupe en été pour limiter la concurrence entre plantes quand il faut irriguer. Les agrumes ont besoin d’irrigation et aussi de beaucoup de fumure pour se développer. « Je mets de la fumure, quand j’ai de l’argent », me dit Vincenzo. La culture des agrumes a en effet un coût, celui du travail humain, mais aussi celui de l’irrigation et de la fumure. La culture biologique fait de plus baisser les rendements. Et puis il y a les maladies. Vincenzo me parle de la tristezza qui affecte en ce moment une partie de ses arbres. La tristezza est une maladie virale qui se répand dans le bassin méditerranéen et qui réduit la productivité des arbres ainsi que leur longévité (un agrumier peut vivre jusqu’à cent ans). Seule remède à ce jour : replanter en utilisant un porte-greffe plus résistant. Encore des coûts. Mais les clémentines de Vincenzo sont les plus délicieuses que j’ai jamais goûtées ! Lire la suite en pdf

importe. Dans ses agrumeti (terme italien désignant une plantation d’agrumes) Vincenzo laisse pousser
l’herbe en hiver, mais la coupe en été pour limiter la concurrence entre plantes quand il faut irriguer. Les agrumes ont besoin d’irrigation et aussi de beaucoup de fumure pour se développer. « Je mets de la fumure, quand j’ai de l’argent », me dit Vincenzo. La culture des agrumes a en effet un coût, celui du travail humain, mais aussi celui de l’irrigation et de la fumure. La culture biologique fait de plus baisser les rendements. Et puis il y a les maladies. Vincenzo me parle de la tristezza qui affecte en ce moment une partie de ses arbres. La tristezza est une maladie virale qui se répand dans le bassin méditerranéen et qui réduit la productivité des arbres ainsi que leur longévité (un agrumier peut vivre jusqu’à cent ans). Seule remède à ce jour : replanter en utilisant un porte-greffe plus résistant. Encore des coûts. Mais les clémentines de Vincenzo sont les plus délicieuses que j’ai jamais goûtées ! Lire la suite en pdf